Il y a dix ans, dans la nuit du 20 au 21 septembre 2014, Odette Gartenlaub nous quittait, dans sa quatre-vingt treizième année, au soir d’une vie toute entière vouée à la musique. Et c’est sans nul doute sa passion pour la Musique qui lui aura donné une pulsion de vie assez puissante pour surmonter les nombreux obstacles imposés tant par ces doutes personnels qui l’ont torturée tout au long du chemin, que par les violents cahots qu’une femme artiste juive a inévitablement endurés en traversant ce siècle de la honte.
Sa carrière fut exceptionnelle : Premier Prix de piano à l’unanimité à quatorze ans seulement, Premier Grand Prix de Rome de composition musicale, professeur au Conservatoire supérieur pendant trente ans, Grand prix du disque… C’est tout cela qu’honore son élévation au grade de Commandeur de l’ordre des Arts et Lettres en 1997.
Mais dix ans après, que nous reste-t-il de son héritage ?
Sa profonde humilité lui ayant fait fuir les feux de la gloire, bien des zones de son immense talent étaient restées dans l’ombre, occultées par l’écran de la pédagogue initiatrice de la Formation Musicale. Et c’est petit à petit que le monde de la musique (re)découvre, parfois avec étonnement, toujours avec admiration, l’immense musicienne qu’elle fut. L’Association des Amis d’Odette Gartenlaub, créée en 2020 pour célébrer son centenaire (2022), a pu ainsi œuvrer pour stimuler les bonnes volontés et lever quelques pans du voile qui obscurcissait les mémoires. Grâce à des partenaires comme les éditions Klarthe (publication de plusieurs œuvres inédites, édition d’un disque portant trois grandes œuvres), l’association Présence compositrices (catalogue complet publié dans Demandez à Clara), le CNSM de Paris (journée d’étude et exposition), la ville de Paris (pose d’une plaque commémorative au 36 rue Louise-Emilie de la Tour d’Auvergne), France Musique (plusieurs émissions commémoratives), le FERAM (reprise à Paris de l’exposition Odette Gartenlaub créée par le conservatoire de Savigny le Temple), ainsi que les nombreuses initiatives mises en places un peu partout en France pour donner un coup de projecteur sur les divers visages d’Odette Gartenlaub.
Dès lors le grand public commence à avoir accès aux enregistrements de l’extraordinaire pianiste qu’elle fut (le label Forgotten Records vient de rééditer en CD plusieurs enregistrements) ainsi qu’à l’œuvre puissante laissée par la compositrice.
Mais la route est encore longue… Il faudra bientôt rééditer certaines partitions épuisées ou dont l’éditeur a disparu, faire rejouer ces grandes pièces qui n’ont hélas connu qu’une seule exécution, créer les œuvres encore jamais jouées (comme le Concert pour clarinette et orchestre), exhumer et publier les nombreux et si précieux enregistrements qui dorment dans les archives de l’INA, réécouter les passionnantes émissions de radio réalisées avec Désiré-Emile Inghelbrecht…
La route est longue mais exaltante et stimulée par les encouragements de tous ceux qui découvrent la richesse de l’héritage musical laissé par Odette Gartenlaub. Puissent les bénéficiaires de ce magnifique legs être toujours plus nombreux !
Jean-Michel Ferran
Président de l’association des amis d’Odette Gartenlaub